Dans un but permanent de réduire les étapes de développement des pièces, les coûts et les délais, de diminuer l’empreinte énergétique globale de la chaîne de fabrication par rapport aux procédés « soustractifs », l’industrie mécanique place, depuis quelques années, de grands espoirs dans les techniques de fabrication additive. Certaines sociétés réfléchissent même à une implantation à grande échelle de ces nouvelles technologies au sein d’usines du futur dites 4.0.
Toutefois, certains aspects et notamment le développement de la microstructure dans des conditions sévères de gradients thermiques et de vitesses de solidification pour le procédé de fusion laser sélective (SLM) de lits de poudre sont encore mal maîtrisés et mal compris. L’introduction d’une source de chaleur mobile à la surface d’un milieu granulaire entraîne bien souvent une hétérogénéité microstructurale (mélange de grains colonnaires et équiaxes). A ces hétérogénéités microstructurales sont associées des textures cristallographiques qui influencent le comportement mécanique des pièces. La fabrication couche par couche d’une pièce saine demande à maîtriser les phénomènes thermiques par le choix adéquat d’une stratégie de balayage et d’un taux de recouvrement entre cordons ou par l’emploi d’un plateau chauffant voire d’une seconde source de chaleur en arrière du bain. En particulier, les dilutions d’une couche sur l’autre et le volume refondu entre deux cordons côte à côte pilotent en grande partie la structure de grains d’une pièce brute de SLM. Les recuits successifs liés à la superposition des couches sont bien souvent à l’origine d’un partiel retour à l’équilibre thermodynamique des phases. Dans le cas d’alliages industriels de type superalliage base nickel, ces recuits successifs peuvent s’accompagner ou non d’une précipitation d’intermétalliques indésirables ou de phases durcissantes non conventionnelles, voire d’une diminution de la densité de dislocations engendrées lors de la fabrication. Tout ceci n’est pas sans conséquence sur le détensionnement et/ou la fissuration des pièces, défaut rédhibitoire des superalliages à forte fraction volumique de phases durcissantes. De tels défauts conduisent irrémédiablement à des rebuts de pièces.
Objectifs scientifiques
Il devient alors incontournable de suivre la cinétique des changements de phases et/ou des précipités durcissants en fonction des paramètres du procédé SLM et de la stratégie de balayage employée. Cela demande de mesurer le champ thermique du bain et de son environnement proche lors de sa formation et de son refroidissement mais également lors des recuits successifs dus à la superposition de couches.
Approche et Méthodes
L’utilisation de courbes TRC (Transformations en Refroidissement Continu) et TTT (Temps-Température-Transformation) existantes seront indispensables à ce stade mais nécessiteront une mise à jour pour s’adapter aux conditions thermiques imposées par le SLM. Une maîtrise du gradient thermique et de la vitesse de solidification par les moyens cités ci-avant doivent permettre de générer une parfaite structure DS (Directional Solidification), voire des quasi SX (monocristaux).
La thèse repose sur l’accès à une machine ouverte instrumentée permettant l’observation coaxiale du bain et de son environnement proche avec la possibilité d’acquérir à très haute fréquence des images thermiques du bain. De ces images thermiques du bain, un nombre important d’informations seront déduites et analysées. Ces données sont indispensables au calage de la modélisation des microstructures générées par SLM et entreprise par un(e) thésard(e) de Mines ParisTech basé(e) au CEMEF à Sophia Antipolis en parallèle de cette thèse expérimentale. Pour une meilleure compréhension de l’interaction laser-matière, des mesures d’absorptivité seront également entreprises par spectrométrie au moyen d’une sphère intégrante pour différentes énergies linéiques. Les formes et les surfaces des coupes transverses et longitudinales de mono-cordons et de multi-cordons seront comparées à celles issues de la simulation. Le début des essais se feront sur les machines SLM instrumentées du Centre des Matériaux de Mines ParisTech en attendant la possibilité d’un transfert sur l’une des deux machines AFH (Additive Factory Hub) après son instrumentation opérationnelle.
La structure de grains simulée sur la base d’une méthode des automates cellulaires sera comparée à des mesures EBSD (Electron BackScattered Diffraction) issues des mêmes expériences que celles qui auront été instrumentées et calibrées en température. En plus de la structure de grains gouvernée par le diagramme G-Vs (Gradient thermique-Vitesse de solidification), fonction des paramètres du procédé, les phases et précipités formés depuis l’état liquide seront déduits des observations et analyses chimiques réalisées au Microscope Electronique à Balayage (MEB) et au Microscope Electronique à Transmission (MET). L’alliage considéré pourrait être l’Inconel 617 utilisé par Air Liquide pour des problèmes de tenue à des environnements sévères et de fluage à 900°C.
Résultats attendus
Le déroulement de la thèse pourrait se diviser en trois grandes tâches :
- Caractérisations microstructurales jusqu’à l’échelle du MET afin de remonter à l’histoire thermique complexe et aux phénomènes induits, dans le cas d’objets 1D, 2D et 3D. On recherchera à identifier pour chacun de ces objets de forme simple la structure de grains (texture) issue de la solidification, l’écrouissage, la nature, la proportion et la répartition des phases.
- Influence des paramètres du procédé au sens large et de la stratégie de balayage sur l’état microstructural, la forme du bain, sa surface et ses dimensions.
- Identification des conditions de solidification en surface du bain et en cours de construction pour engendrer de parfaites structures colonnaires orientées suivant la direction de fabrication voire des quasi monocristaux.